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Les Francs-Maçons
LES DOSSIERS - Historia (Extraits)
1981-1995 : sous Mitterrand, les obédiences flirtent avec le pouvoir
par Jean-Moïse Braitberg
De 1981 à 1995, la franc-maçonnerie a vécu une proximité avec le pouvoir qu'elle n'avait pas connu depuis le temps des radicaux combistes, au début du siècle. Alors que la très orthodoxe maçonnerie anglaise interdit tout débat politique au sein des loges, plusieurs obédiences françaises flirtent avec la politique. Au risque bien souvent d'en oublier les principes fondateurs du mouvement.
Comment les francs-maçons influencent-ils le pouvoir politique ? Quelle est leur importance dans le gouvernement de la cité ? Complotent-ils en loge pour exercer secrètement le pouvoir ? Si l'on peut concevoir qu'une société de pensée initiatique qui fait du secret une de ses vertus cardinales, puisse susciter curiosité et, pour certains, méfiance, les francs-maçons se sont suffisamment extériorisés dans les médias, ont suffisamment pris publiquement position sur les grands thèmes de société, pour que l'on ne doute plus que leurs valeurs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, se confondent avec celles de la république, dans le strict respect de l'Etat de droit. Si la question d'un prétendu " complot maçonnique " ne se pose pas, il est en revanche légitime de se demander comment s'exerce l'ambition d'influence des francs-maçons sur la société. Ambition qu'ils revendiquent avec fierté puisque l'idéal maçonnique demande à chaque franc-maçon de répandre sur la société profane les vérités acquises à l'intérieur des loges, et de travailler au perfectionnement matériel et moral de l'humanité.
L'aléatoire mesure des influences
Reste à savoir quels sont les instruments de mesure de l'influence maçonnique dans la société et donc dans la vie politique. Toute influence n'étant efficace que si elle s'exerce par ou avec le pouvoir, on pourrait être tenté de la mesurer au nombre de ministres francs-maçons dans tel ou tel gouvernement. Ou de dénombrer les francs-maçons bien placés dans le monde de la politique, des affaires ou celui des médias.
Mais, outre le fait que cet exercice est aléatoire puisque rien n'oblige un franc-maçon à dévoiler son appartenance, ce serait aussi méconnaître le sens profond de l'initiation maçonnique qui est une démarche spirituelle individuelle non quantifiable à l'aune de la représentativité sociale. N'oublions pas non plus que si les profanes ont souvent tendance à exagérer le rôle de la franc-maçonnerie dans la société, les francs-maçons ont eux aussi tendance à s' "auto-glorifier " et à se donner plus d'importance qu'ils n'en ont. Ce qui ne facilite pas, non plus, la mesure de leur influence.
L'afflux de 1981
En 1981, si l'on en croit les nombreux articles de presse, le premier gouvernement de Pierre Mauroy aurait compté près d'une douzaine de francs-maçons. Est-ce à dire que la franc-maçonnerie avait investi le pouvoir ? Cela pouvait tout aussi bien signifier que les socialistes avaient pris le pouvoir dans les loges. Comment expliquer cette soudaine affluence de francs-maçons dans un gouvernement, alors qu'à l'exception notable de Robert Boulin et de Philippe Dechartre ils avaient été absents des gouvernements sous de Gaulle et Pompidou et qu'un seul franc-maçon avait été ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing : l'ancien Grand Maître du Grand Orient de France Jean-Pierre Prouteau ?
Ce qui s'est passé en 1981 résultait de deux phénomènes concomitants : d'une part, une coïncidence entre la composition sociologique des loges avec ce que l'on a appelé le " peuple de gauche " et, d'autre part, la tactique politique de François Mitterrand qui s'est appuyé sur les francs-maçons comme sur tous les groupes susceptibles de l'aider pour réaliser son plan de carrière.
Il est évident en effet que les loges maçonniques, et celles du Grand Orient de France en particulier, constituent un concentré de la France des classes moyennes et des fonctionnaires qui ont envoyé François Mitterrand au pouvoir en 1981. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que des francs-maçons soient entrés au gouvernement. Mais cela n'explique pas tout.
Mitterrand et les frères
Pour bien comprendre pourquoi autant de francs-maçons se sont retrouvés au pouvoir ou dans les allées du pouvoir en 1981, il faut connaître les relations ambiguës que l'ancien chef de l'Etat entretenait jusque-là avec eux. Faut-il le préciser, François Mitterrand n'a jamais été franc-maçon. Au départ, même, tout l'oppose à la culture maçonnique.Né dans une famille catholique conservatrice où l'on faisait de l'antimaçonnisme son pain quotidien, élevé chez les jésuites, pensionnaire chez les pères maristes, François Mitterrand partagera la culture dominante de son milieu, allant jusqu'à servir le gouvernement de Vichy avant de réaliser ce que les francs-maçons pouvaient apporter à son ambition politique.
Il fera de même avec les juifs, les protestants, les catholiques, les socialistes, les communistes, l'extrême droite, les résistants, les collaborateurs, les bouilleurs de crus ou les pêcheurs à la ligne... C'est en 1958, lorsque débute sa traversée du désert après qu'il eût été plusieurs fois ministre sous la IV° République, que les ambitions de François Mitterrand vont croiser celles de jeunes loups francs-maçons atypiques.
Des maçons atypiques
Au premier rang de ceux-ci , se trouve Charles Hernu. Ce proche de Mendès France, fondateur du Club des jacobins dont la totalité des membres est franc-maçonne, est un personnage trouble. Au cours de l'année 1944, Charles Hernu a en effet été délégué à l'information sociale du gouvernement de Vichy dans le département de l'Isère et s'est distingué par ses positions résolument collaborationnistes. Arrêté à Lyon à la Libération, il est accusé d'avoir dénoncé une famille juive de Grenoble et fera trois mois de prison dans cette ville, avant d'être libéré sans jugement. Bien que cette accusation soit restée sans suite, il est étonnant que le jeune Charles Hernu ait pu être initié à la Grande Loge de France, puis au Grand Orient de France au début des années 50, alors qu'à l'époque tout impétrant devait remplir un questionnaire pointilleux sur ses activités durant l'Occupation.
Même constatation en ce qui concerne Jean-André Faucher dont Mitterrand fera la connaissance à la même époque. Ce journaliste de Limoges, qui fonda le Club des montagnards dans les années 50, a appartenu pendant la guerre au Parti populaire français (PPF) de Doriot. A la libération, il sera accusé d'avoir torturé des résistants et sera condamné à mort par contumace par la cour d'assises spéciale de Limoges. Il fera par la suite une brillante carrière maçonnique à la grande Loge de France, dont il deviendra un personnage influent dans les années 70-80 avant d'en être exclu. Ce qui ne l'empêchera pas de recevoir la Légion d'honneur en 1989 pour services rendus dans les missions de paix en Nouvelle-calédonie, à la demande du ministre des DOM-TOM, Georges Lemoine, tout en continuant à écrire sous un pseudonyme dans l'hebdomadaire du Front national National Hebdo...
Un troisième personnage au même profil vient compléter cet étonnant tableau, en la personne de Georges Bérard-Quélin, qui s'est fourvoyé dans la presse collaborationniste sous l'Occupation avant de devenir un franc-maçon influent à travers les lettres confidentielles qu'il édita jusqu'à sa mort, en 1990.
D'une prise de pouvoir l'autre
Ces trois " frères ", qui se sont incontestablement servis de la franc-maçonnerie pour se blanchir après la guerre, vont participer avec d'autres francs-maçons comme Gérard Jacquet, georges Lemoine, Guy Penne et Pierre Joxe, à la création de la Convention des institutions républicaines, puis de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) qui servira de tremplin à François Mitterrand pour créer le nouveau Parti socialiste au congrès d'Epinay, en 1971.
Selon Gilles Martinet, la prise de pouvoir de François Mitterrand au congrès d'Epinay aurait été préparée dans les locaux du Grand Orient de France, rue Cadet à Paris, sous les auspices de Roger Fajardie, membre du comité directeur de la SFIO. Cet ancien conseiller de l'ordre du GODF, proche de Pierre Mauroy, est décédé en 1987. Il fut longtemps le responsable de la fraternelle Paul-Ramadier, un influent club socialiste rassemblant les francs-maçons du parti.
Mais si Mitterrand s'est incontestablement appuyé sur certains réseaux maçonniques pour étayer sa carrière, peut-on pour autant dire que c'est la franc-maçonnerie, au sens large, qui l'a soutenu ? N'oublions pas, en effet, que la prise du pouvoir d'Epinay s'est faite contre Guy Mollet, franc-maçon de longue date qui ne mettra plus les pieds au Grand Orient après cet épisode.
Après l'élection du 10 mai 1981, le Grand Orient n'a jamais côtoyé le pouvoir d'aussi près depuis l'époque d'Emile Combes. Non seulement, on compte des ministres francs-maçons mais ils sont également nombreux dans les cabinets ministériels et dans l'entourage du Président, à l'Elysée. Le Grand Maître, Roger Leray, élu en 1979, ne fait pas mystère de son amitié avec Mitterrand et de son appartenance socialiste. Cet ancien radical, devenu membre du Parti socialiste, voue une grande admiration à François Mitterrand qui sait, en retour, lui donner le sentiment d'être important. Et le 13 août 1981, Roger Leray ira jusqu'à écrire dans Le Monde que : " Les projets du gouvernement correspondent à la sensibilité des francs-maçons du Grand Orient de France ".
Une franc-maçonnerie de cour ?
A l'époque, cette franc-maçonnerie voyante, que d'aucuns comparent à la franc-maçonnerie de cour sous Napoléon Ier, tranche avec le comportement traditionnellement plus discret des autres obédiences maçonniques. La Grande Loge Nationale de France (GLNF) s'interdit tout débat politique dans ses loges. Ce qui n'empêche pas ses membres, recrutés dans les sphères influentes des milieux économiques, de se regrouper par affinité politique ou d'intérêt en dehors des loges. A la Grande Loge de France, où l'on est plus discret qu'au Grand Orient, on n'apprécie guère, alors, les manifestations publiques d'allégeance au pouvoir de Roger Leray. Dans les années 80, le Grand Maître de la GL, Jean Verdun parlera du " retour dans les rouages de l'Etat d'une franc-maçonnerie à la spiritualité délavée ". L'ancien sénateur, franc-maçon du GO, Henri Caillavet déclarera quant à lui : " Nos frères font, hélas ! souvent passer leur allégeance partisane avant leur conscience maçonnique ".
Rupture sur la laïcité
Les relations entre François Mitterrand et le Grand Orient de France vont cependant connaître une parenthèse orageuse avec l'arrivée de Paul Gourdot à la tête de l'obédience. Laïc ardent, cet historien de formation ne transige pas avec les principes. Le 22 décembre 1982, il écrit une lettre à Mitterrand pour s'insurger contre le contenu insuffisamment laïc de la loi Savary et prend un ton presque comminatoire pour rappeler le chef de l'Etat aux grands principes de la laïcité. Il fait même grief au Président d'avoir permis la présence de deux ministres de la République lors d'une cérémonie au Vatican. Mitterrand n'est pas du genre à apprécier ce genre de rodomontade.
Dix ans plus tard, lorsqu'éclatera l'affaire de la Sagés, le chef de l'Etat aura des mots très durs contre les francs-maçons qu'il accusera d'être à l'origine de cette nouvelle affaire qui empoisonne le PS. Le Grand Orient répliquera de manière cinglante en accusant ni plus ni moins François Mitterrand de faire le jeu de l'extrême droite.
La manière dont François Mitterrand traita la question laïque, si chère au coeur des francs-maçons, est révélatrice des relations complexes que ceux-ci entretiennent avec le pouvoir. Dans la foulée de l'élection du 10 mai 1981, le camp laïc, qui ne compte pas que des francs-maçons, attend avec impatience que se réalise la promesse de créer un grand service public unifié de l'éducation qui intégrerait l'école privée. Tout indique pourtant que la culture personnelle, la formation et l'entourage de François Mitterrand le rapprochent du camp catholique. Il n'a jamais caché son admiration pour les bons pères de l'institution Saint-Paul d'Angoulême, où il a fait ses études secondaires, ou pour les pères maristes de la rue de Vaugirard, chez qui il prendra pension avant la guerre lorsqu'il sera étudiant à Paris.
Ce n'est sans doute pas un hasard si, en 1982-1983, Pierre Mauroy confie au très modéré Alain Savary la mission de mener à bien une réforme qui vise, certes, à intégrer l'école privée au sein du service public d'éducation, mais sans pour autant lui enlever quoi que ce soit de sa spécificité confessionnelle. Du côté des laïcs les plus intransigeants, on considère même, à l'époque, que cette réforme recèle les germes d'une confessionnalisation de l'enseignement public et vise, en fait, à faire rentrer le loup clérical dans la bergerie laïque.
L'échec du projet Savary-Laignel
Lorsqu'il présente son projet de loi devant l'assemblée entre le 21 et le 24 mai 1984, Alain Savary va très rapidement découvrir que nombre de députés socialistes ne sont pas du tout prêts à accepter une réforme édulcorée. Le ministre va devoir faire face à une levée de boucliers laïcs soulevée par le député-maire d'Issoudun, André Laignel qui n'a jamais fait mystère de son appartenance à la Grande Loge de France. Ce dernier multiplie les contacts avec le Comité national d'action laïc (CNAL) dont le Grand Orient de France est membre de droit, aux côtés des principaux syndicats enseignants. Outre André Laignel, Pierre Joxe et Jean Poperen, que l'on dit également initiés, vont contribuer à infléchir le projet Savary dans un sens résolument plus laïc. Et c'est finalement un projet amendé, limitant considérablement les possibilités de financement de l'enseignement privé, qui sera voté par le parlement en cette fin de mois de mai 1984.
C'était sans compter sur la force de mobilisation du camp adverse. Le 24 juin 1984, plus d'un million de partisans de l'école privée déferlent sur Paris. C'est le plus grand rassemblement protestataire de la V° République. François Mitterrand, qui ne peut se permettre de mener une bataille à laquelle il ne croit sans doute guère dans un contexte où le pouvoir socialiste est confronté à un mécontentement général, va faire spectaculairement machine arrière . Le 12 juillet 1984, il suspend la loi Savary. Autrement dit, il l'enterre en infligeant une claque retentissante au camp laïc. Il peut d'autant mieux le faire qu'il sait que les défenseurs de la laïcité sont sur le même bateau que les socialistes et que ce bateau prend eau de toute part.
L'ère Leray, ou les maçons " anesthésiés "
Il peut, de surcroît, compter sur un relais solide pour faire avaler la couleuvre aux francs-maçons en la personne de Roger Leray, réélu en 1984 à la tête du GODF. Le Grand Maître saura tenir ses troupes. Même si dans bon nombre de loges on fulmine, à l'époque, contre une maçonnerie de cour et d'apparat qui s'est assise sur ses idéaux en échange de quelques contreparties symboliques comme la tenue à Paris, en 1987, du Congrès maçonnique international - ouvert en grande pompe par François Mitterrand aux côtés duquel se tient Roger Leray.
Sonnés par l'échec de la réforme Savary, anesthésiés par le tandem Mitterrand-Leray, les francs-maçons laïcs ne sont pas au bout de leur peine. Il leur faudra encore avaler la pilule de l'accord Rocard sur l'enseignement agricole privé, puis les accords passés en 1992 par Jack Lang - dont on dit qu'il a été initié dans sa jeunesse -, avec le père Max Cloupet, secrétaire général de l'enseignement catholique.
Ces accords, les plus avantageux jamais concédés à l'enseignement catholique, enterrent définitivement le principe si cher aux laïcs " à fonds privés, école privée, à fonds publics, école publique ", puisque la parité du financement devient totale entre l'école privée sous contrat et l'école publique. Pour faire bonne mesure, Jack Lang va à la même époque débloquer des fonds publics du ministère de la Culture pour financer la cathédrale d'Evry. Ce qui est, en principe, contraire à la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
1994 : revanche ou statu quo ?
Deux ans plus tard, lors de la grande manifestation organisée à Paris le 16 janvier 1994 pour protester contre le projet de réforme de la loi Falloux, de très nombreux francs-maçons ceints de leur cordon vont se retrouver dans le cortège. Le projet de loi concocté par François Bayrou vise à supprimer le dernier obstacle qui s'oppose encore au financement total de l'enseignement privé et autoriserait l'Etat à participer aux dépenses d'investissement des établissements sous contrat.
Le projet Bayrou sera abandonné et les laïcs auront le sentiment d'avoir pris leur revanche sur 1984. Mais peut-on parler de victoire alors qu'il ne s'agissait que de défendre un statu quo caractérisé par les reculs successifs de la laïcité dans la société française ? Pour bien mesurer le recul des positions laïques de la franc-maçonnerie, il convient de rappeler qu'au convent du GO de 1952, le rapporteur sur l'éducation avait demandé l'abrogation de la loi Falloux, de la loi Barangé et, pour faire bonne mesure, la suppression du statut particulier de l'Alsace-Moselle... Malgré ces défaites cuisantes pour la laïcité, celle-ci reste théoriquement le principe philosophique et politique auquel les francs-maçons sont le plus attachés.
Quelle laïcité ?
Mais de quelle laïcité s'agit-il ? De celle, sourcilleuse, défendue par l'ancien Grand Maître Paul Gourdot qui se complaît, non sans malice, à donner de lui une image de " bouffeur de curé ". Ou, d'une laïcité dite " ouverte ", défendue par certains francs-maçons de la Ligue de l'enseignement qui admettent l'expression des différences culturelles et religieuses à l'école dans certaines conditions ?
Derrière l'unanime condamnation du communautarisme à l'américaine et l'attachement maintes fois renouvelé à la République une et indivisible par les Grands Maîtres du Grand Orient de France successifs, les francs-maçons de cette fin de siècle, sont plus divisés qu'il n'y paraît sur cette question fondamentale. Ils ont été, comme le reste de la population, divisés en deux camps au moment de la loi Savary. Et ce clivage perdure. D'un côté il y a ceux qui, à tort ou à raison, sont attachés aux libertés aux premiers rangs desquelles ils plaçaient, en 1984, la liberté de choix scolaire. De l'autre, on défend une conception jacobine de l'Etat transcendée dans l'idéal laïc.
Une ligne de partage qui passe incontestablement entre la sensibilité traditionnellement laïque du Grand Orient de France, et celle,plus libérale, qui s'exprime dans les autres obédiences. Mais elle traverse aussi toutes les obédiences. André Laignel, héros de la cause laïque en 1984, n'est-il pas membre de la Grande Loge de France réputée modérée, sinon de droite ? Tandis que le très chiraquien Michel Sy, membre du Grand Orient de France, déclarera avoir manifesté avec les partisans de l'école privée le 24 juin 1984 parce que " la réforme Savary n'était pas à mon sens, une loi laïque, simplement parce qu'elle n'assurait pas la pérennité de l'enseignement privé ".
Une combativité maintenue, une créativité perdue
On a vu réapparaître ces clivages, qui correspondent davantage à des sensibilités philosophiques que politiques, lors des premières polémiques sur le foulard islamique à la fin des années 80. Sur cette épineuse question, certains observateurs ont pu en effet constater que derrière le refus intransigeant de tout signe extérieur d'appartenance religieuse à l'école, transparaissait chez certains francs-maçons la même méfiance, pour ne pas dire plus, que celle que manifestent beaucoup de Français à l'égard de l'islam. A l'inverse, c'est au nom de la tolérance, valeur tout aussi maçonnique que la laïcité, que d'autres francs-maçons acceptent un droit à la différence qui passe selon eux par la visibilité de coutumes nouvelles encore mal acceptées dans une société française qui reste pétrie de tradition catholique.
Pour preuve du malaise des francs-maçons sur la question laïque, on constate depuis quelques années, l'émergence de clubs ou de groupuscules d'inspiration maçonnique, et résolument laïcs, qui tentent de porter sur le terrain profane un combat qu'ils ont de plus en plus de mal à mener à l'intérieur des loges où la lisibilité du combat d'idées est d'autant plus floue qu'elle se confond souvent avec des combats de pouvoir dans l'obédience.
En fait, beaucoup de francs-maçons font aujourd'hui un constat amer : la franc-maçonnerie n'est plus productrice d'idées nouvelles susceptibles de rayonner sur la société et de contribuer au perfectionnement matériel et moral de l'humanité. Certes, elle a très largement contribué, depuis la fin du XVIII° siècle à la pérennisation des idéaux de la Révolution française. Elle a également beaucoup fait pour que l'humanisme, le respect de l'Etat de droit et de l'individu, soient aujourd'hui des valeurs universelles de référence. Mais tout donne à penser que si l'on peut continuer à compter sur les francs-maçons pour défendre des valeurs partagées par le plus grand nombre face à la montée de l'intolérance ou du racisme, ils sont en panne d'idées dès lors qu'il s'agit de trouver des solutions nouvelles aux problèmes d'éthique, de morale, ou économiques et sociaux qui se posent aux hommes politiques.
Charles Porset, qui est secrétaire général de l'Institut d'Histoire et de recherche maçonnique, analyse la situation en ces termes : " Le Grand Orient donne l'impression d'être le reflet de son temps et de n'avoir plus de projets. Nous disons dans notre jargon qu'il faut laisser ses métaux à la porte du temple, autrement dit, de ne pas y rentrer avec des a priori politiques et religieux. Malheureusement, les francs-maçons laissent trop souvent leurs idéaux aussi à la porte. [...] Aujourd'hui, nous n'anticipons plus dans le domaine idéologique, nous n'élaborons plus les projets de textes de loi - comme jadis en matière d'interruption de grossesse. Nous sommes à la remorque. Certes, la maçonnerie doit être sans but, mais pas sans idéal. "
Crise de recrutement ou maçonnerie de club ?
Certains maçons, conscients de cette situation, l'expliquent en partie par le mode de recrutement des loges. La cooptation qui demeure le principal moyen de recrutement tend à reproduire et à accentuer une composition sociologique presque exclusivement assise sur les professions intermédiaires et les classes moyennes. Il n'y a pratiquement pas d'ouvriers ou de paysans francs-maçons mais guère plus d'artistes ou d'intellectuels dans les loges. Aucun des grands penseurs ou philosophes de ces cinquante dernières années n'a été franc-maçon. Les grands intellectuels, scientifiques ou chercheurs en sciences humaines, ne pénètrent en loge que lorsqu'ils sont invités à participer aux tenues blanches, ouvertes ou fermées, réunions maçonniques ouvertes aux profanes qui ressemblent parfois à des mises en scène à grand spectacle mais donnent toujours l'impression que c'est à l'extérieur de leurs loges que les francs-maçons vont chercher les idées intéressantes.
Une autre cause explique aussi la perte d'influence de la franc-maçonnerie sur la vie politique : la plupart des francs-maçons exerçant des responsabilités politiques importantes ne fréquentent pas, ou très rarement, les loges. Par manque de temps ou par crainte d'être sollicités par des maçons en quête de faveurs ou de passe-droits. Et lorsqu'ils s'astreignent à un minimum d'assiduité, c'est pour se retrouver entre eux dans des loges élitistes dont les travaux ne sont ni plus ni moins utiles à la franc-maçonnerie que ceux des loges de base.
La loge Demain, créée en son temps par Roger Leray pour rassembler des hommes politiques de gauche et de droite, est l'archétype de cette maçonnerie de club ou maçonnerie " Rotary " que l'on retrouve aussi dans certaines loges ou le recrutement se fait sur des critères professionnels ou affairistes. En fin de compte, à quoi sert l'engagement maçonnique des hommes politiques ? A pas grand chose, si l'on en croit André Laignel : " Mon engagement politique est plus important que mon engagement maçonnique. Je suis plus proche d'un socialiste profane que d'un maçon RPR ". Guy Mollet estimait pour sa part que : " La maçonnerie peut être un complément intéressant à la formùation d'un homme politique, mais elle doit rester une affaire privée ".
Un seul maçon dans le ministère Jospin ?
En fait, rien n'est simple dans les rapports entre franc-maçonnerie et pouvoir. Durant les années Mitterrand, ils se sont faits " instrumentaliser " par le Parti socialiste et ont accepté d'immenses reculs sur le terrain de la laïcité tout en étant impuissants à enrayer la montée de l'extrême droite. Lors de la campagne des présidentielles de 1995, tous les candidats en lice ont été reçus au Grand Orient de France et y ont tenu des discours allant exactement dans le sens de ce qu'attendaient les francs-maçons. Pour quel résultat ? L'enjeu, sur fond de guerres intestines au sein des instances dirigeantes du Grand Orient, était moins de savoir quel candidat était le mieux placé pour défendre les valeurs maçonniques que de choisir lequel il convenait de soutenir pour avoir le pouvoir dans l'obédience.
Et dans le contexte de coups de poignard dans le dos qui prévalait alors au sein du GO, certains ne furent pas peu surpris de voir une partie de l'ultragauche laïque et les anciens militants trotskistes prendre parti pour Jacques Chirac, présenté comme le meilleur défenseur des valeurs républicaines et laïques. Dès lors, peut-être ne faut-il pas s'étonner que le gouvernement de Lionel Jospin ne compte qu'un seul franc-maçon (ou peut-être trois, selon une estimation récente - NDL), membre de la très conservatrice Grande Loge nationale de France...
Des maçons célèbres depuis 1981
par François Laffont
Je ne sais pas s'il nous porte une affection très profonde. Il sait que nous existons, n'ignore pas que certains de ses collaborateurs et de ses ministres sont francs-maçons. Lorsque j'ai été ministre avec lui, je sais qu'il avait à la fois une grande admiration pour ce que nous faisions et en même temps une immense crainte parce qu'il ne voulait jamais être surpris par des personnes qu'il ne connaissait pas. C'est en tout cas quelqu'un qui n'a absolument aucune des qualités nécessaire pour être franc-maçon, et c'est pourquoi il ne vous comprend pas. Il a toujours eu peur de nous ", expliquait le sénateur Henri Caillavet, membre du Grand Orient de France lors d'un reportage du " Droit de Savoir " sur TF1, l'une des très rares émissions de télévision consacrées à la franc-maçonnerie.
François Mittterrand n'a jamais été initié. Ni aucun des présidents sous la cinquième République. En revanche, les personnalités franc-maçonnes étaient très présentes dans les différents gouvernements de gauche. En moyenne une dizaine de ministres sur quarante. Parmi eux : François Abadie, Michèle André, Roger Bambuck, Jean-Michel Baylet, Laurent Cathala, Roland Dumas, Henri Emmanuelli, Joseph Franceschi, Charles Hernu, Pierre Joxe, André Labarrère, André Laignel, Georges Lemoine, Martin Malvy, Jacques Mellick, Christian Nucci, Jean Poperen, Paul Quilès, Yvette Roudy, Jean-Pierre Soisson, Olivier Stirn, René Teulade, Kofi Yamgname. Aucun Premier ministre depuis 1958 n'aurait appartenu à la maçonnerie.
Cohabitation et francs-maçons
Dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac (1986-1988), on comptait quatre ministres francs-maçons : Didier Bariani, secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, ancien Grand Maître adjoint au GODF, André Rossinot, chargé des relations avec le Parlement, Alain Devaquet, ministre aux Universités. André Santini, alors secrétaire d'Etat aux Rapatriés, serait également franc-maçon. Lucette Michaux-Chevry, chargée de la francophonie, aurait appartenu à la Grande Loge Féminine de France.
Selon l'hebdomadaire l'Express du 6 mai 1993, André Rossinot, ministre de la Fonction publique, aurait été le seul maçon du gouvernement Balladur, bien que Michel Roussin, ministre de la Coopération, et Roger Romani, ministre chargé des relations avec le Sénat, soient cités.
Des " maçons sans tablier "
L'expression désigne les personnages qui n'ont jamais été initiés, mais sur lesquels court la rumeur, parfois depuis des siècles.
Au XX° siècle
Charles de gaulle (1890-1970) - Georges Pompidou (1911-1974) - Valéry Giscard d'Estaing (1926) - François mitterrand (1916-1996). Souvent confondu avec son homonyme, Jacques Mitterrand, Grand Maître du Grand Orient - Jacques Chirac (1932). Son grand-père fut vénérable de la loge de Brive du Grand Orient - Raymond Barre (1924), invité à des tenues blanches - Michel Rocard (1939) - Pierre Bérégovoy (1925-1993). Mais aussi, Jacques Chaban-Delmas (1915-1996). A toujours entretenu de bons rapports avec les obédiences maçonniques, inaugura le Grand Temple de la GLNF de Bordeaux.
" Passer sous le bandeau "
Que signifie cette expression qui intrigue bien des " profanes " ? Le postulant à la franc-maçonnerie, aura été pressenti et " parrainé " par des amis ou un parent francs-maçons. Si des votes, au préalable, ont été favorables au candidat à l'admission à la franc-maçonnerie, celui-ci est convoqué par le Vénérable de loge pour une " audition sous le bandeau ". Généralement, la convocation précise que le profane doit se présenter au temple (loge) à 20 heures. Il attend dans un cabinet aux murs nus. Combien de temps ? C'est à la loge d'en décider...
Le frère maître des cérémonies de la loge vient chercher le profane, lui met un bandeau sur les yeux et le conduit tout au long des couloirs jusqu'à la porte du temple. Dans la loge, le profane va être interrogé. Sa fiche a été affichée avec sa photographie au siège de l'obédience pendant plusieurs semaines. Sa demande d'admission a été communiquée à toutes les loges de France. Ceux qui croient avoir une raison précise pour s'opposer à cette admission ont été invités à se faire connaître. Le jour du passage sous le bandeau, ils ont été avertis. Le plus souvent avant l'entrée du profane dans le temple, ils ont exprimé leurs réserves.
Leur hostilité ne suffit pas à constituer un cas de refus. La loge peut considérer que des raisons ainsi exprimées ne sont pas suffisantes. Il arrive très fréquemment qu'elle n'en tienne aucun compte.
La sincérité mise à l'épreuve
Toutes les questions posées lors du passage sous le bandeau n'ont d'autre but que de cerner un aspect de la personnalité de celui qui est là. Beaucoup ont été refusés parce que les frères avaient facilement établi que les réponses qui leur étaient faites ne révélaient pas la véritable nature du profane. Il se contentait de dire ce qu'il croyait être le plus conforme à l'idée qu'il s'était faite de la Franc-Maçonnerie. Le manque de sincérité est toujours sanctionné sévèrement lors du passage sous le bandeau.
Après son audition , le profane est raccompagné par le maître des cérémonies jusqu'à la porte de l'immeuble. Il se retrouve seul dans la nuit pendant que les maçons qui l'on entendu procèdent au vote.
Chaque frère a reçu une boule blanche et une boule noire. La boule noire exprime le refus : " blackbouler ", c'est refuser. Une seule boule noire élimine quatre boules blanches. Le dépouillement a lieu sur l'autel du Vénérable par les soins du frère orateur et du frère secrétaire. Le profane ainsi admis attendra souvent plusieurs mois son initiation... Historia hors série 30 " Les Francs-maçons "
Les 33 degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté
Loges bleues ou symboliques : 1 Apprenti, 2 Compagnon, 3 Maître.
Loges de perfection : 4 Maître Secret, 5 Maître Parfait, 6 Secrétaire Intime, 7 Prévôt et Juge, 8 Intendant des Bâtiments, 9 Maître Elu des Neuf, 10 Illustre Elu des Quinze, 11 Sublime Chevalier Elu, 12 Grand Maître Architecte, 13 Royale Arche, 14 Grand Elu Parfait et Sublime Maçon.
Chapitres ou ateliers rouges : 15 Chevalier d'Orient ou de l'Epée, 16 Prince de Jérusalem, 17 Chevalier d'Orient et d'Occident, 18 Chevalier Rose-Croix ou Chevalier de l'aigle et du Pélican.
Aréopage : 19 Grand Pontife ou Sublime Ecossais, 20 Vénérable Grand Maître, 21 Noachite, 22 Chevalier Royal-Hache, 23 Chef du Tabernacle, 24 Prince du Tabernacle, 25 Chevalier du Serpent d'Airain, 26 Ecossais Trinitaire, 27 Grand Commandeur du Temple, 28 Chevalier du Soleil, 29 Grand Ecossais de Saint-André, 30 Chevalier Kadosch.
Tribunaux : 31 Grand Inspecteur Inquisiteur Commandeur.
Consistoire : 32 Sublime Prince du Royal Secret.
Suprême Conseil : 33 Souverain Grand Inspecteur Général.
Les Dossiers Historia : " Les Francs-Maçons "
Comme complément d'information sur la Franc-Maçonnerie, consultez sur le présent blog, le post intitulé : " Les Francs-maçons détiennent-ils les rênes du Pouvoir politique de la France à son sommet ? " Les Frères invisibles " ", en cliquant, ici :
Egalement, sur la Franc-maçonnerie, des sites intéressants :
Have-it.com/denonciation (site fort - lire dossier Hiram - très instructif), cliquez, ici :
barruel.com (Livres sur la franc-maçonnerie, et divers), cliquez, ici :
victimes des ripoux (controverses - fortes polémiques - diatribes sur ripoux francs-maçons), cliquez, ici :
Trafic-justice (site " insolent " politiquement incorrect, très intéressant à consulter - Informations - adresses - les Ripoux dans le collimateur... !), cliquez, ici :
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