1943 : Forces occultes, un film de propagande anti-maçonnique politique
sulfureux ?!!!
Voici ce qu'en pense Dominique Rossignol :
Le régime de vichy ne s'est pas contenté de ficher et de persécuter les frères. Un large budget est consacré à une propagande d'une violence sans précédent. Superproduction financée en majorité par les Allemands d'après un scénario français, Forces occultes est un film de propagande vichyste. Dénonçant le complot judeomaçonnique, incitant à la délation, il représente le sommet du sentiment et de la politique anti-maçonnique en France. " Les Francs-Maçons " Les dossiers Historia. L'histoire complète dans son contexte de " Forces occultes ", relatée par Dominique Rossignol, sera reproduite ci-dessous, après les cinq videos du film sur You Tube que vous pouvez voir ci-après.
La fiche technique de Forces occultes
Réalisation : Paul Riche (pseudonyme de Jean Marny).
Scénario de Jean-Marquès-Rivière. Chef opérateur : Marcel Lucien. Musique : Jean Martinon. Montage : Pierre Géran. Décors : Mary. Interprétation : Maurice Rémy (Pïerre Avenel), Gisèle Parry, Marcel Vibert, Boverio, Léonce Corne, Pierre Darteuil, Henri Valbel, Marcel Raine, Louise Flavie et Simone Arys, Produit par Nova Films, Robert Musard. Studios : Photosonor (anciens studios Jacques Haïk). Licence : Tobisklangfilm. Laboratoire : LTC Saint-Cloud. Sortie officielle : 10 mars 1943.
Toute la presse de l'époque (1943) est " unanime "... Forces occultes est
salué comme un film " hallucinant ", " courageux ", " un bain de vérité ! "
" Pour la première fois de son histoire, la maçonnerie subit la dissection publique, la divulgation, la dispersion brutale de ses oripeaux, de ses appétits, de ses fantoches... " En ce mardi 9 mars 1943, les journalistes ne tarissent pas d'éloges sur la projection à laquelle ils viennent d'assister. Le Petit Parisien, Le Matin, L'oeuvre, Le Cri du peuple, Vedettes publient leurs commentaires.
Forces occultes, " film hallucinant, bain de vérité, est un acte courageux et salubre [...]. Techniquement le film est parfait [...], très utile [...] servi par d'excellents interprètes [...]. Précis, calqué sur tous les crimes maçonniques demeurés chaque fois impunis [...]. Les scènes essentielles minutieusement reconstituées respirent la vérité ".
La vérité ? Jean Marquès-Rivière, qui a écrit le scénario, présente Forces occultes comme un " documentaire reconstitué ". Le principe du documentaire donne à l'oeuvre son caractère sérieux et objectif. En fait, sujet de propagande, le projet est soutenu par Vichy, financé par les services d'information allemands qui versent 1 200 000 francs (1 344 000 de nos francs) pour le tournage.
Jean Marquès-Rivière, fier de sa réalisation, prie " son excellence M. de Brinon, ambassadeur de France, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés " de lui " faire l'honneur de présider la manifestation ". La séance inaugurale a lieu à onze heures du matin au cinéma des Champs-Elysées au printemps de 1943. Jean Marquès-Rivière, juché sur une estrade sur le côté de la salle, évoque son travail devant un parterre d'élégants parisiens, quelques officiels, de nombreux hommes de presse et des militants PPF. L'objectif est clair : " Le film veut être un acte politique, un acte révolutionnaire ".
(La suite prochainement...)
Tournage au Palais-Bourbon
D'ailleurs, les délais de production ont été courts. Deux ans à peine entre la conception et la réalisation du film. L'idée d'un long métrage pour avertir la population des " démoniaques forces occultes " est née dans les couloirs du Service des sociétés secrètes. Dès juillet 1941, Jacques de Boistel, responsable du mensuel Les documents maçonniques, est mandaté par Bernard Faÿ, directeur du SSS, pour rassembler les éléments d'un film de propagande. Mais c'est Jean Marquès-Rivière, déjà auteur du catalogue de l'exposition " Le juif et la France " qui rédigera ce " drame " qui évolue en mélodrame psychologique.
Le premier tour de manivelle est donné le 9 septembre 1942 dans les studios Nova Films de Courbevoie. Le personnage principal, le député patriote Pierre Avenel (Maurice Rémy), met en cause la corruption et la lâcheté du gouvernement et de la Chambre. Son talent inquiète les " forces occultes " qui dirigent la France. Le grand Orient lui offre l'initiation et une aide puissante.
Mais le jeune député se révolte devant la trahison des intérêts nationaux et clame son indignation devant les manipulations qui mènent le pays mal préparé à la guerre. Les " forces occultes " se vengent et tentent de l'assassiner. La succession de scandales auxquels le député Avenel se trouve mêlé font que le film fascine par la nouveauté des reconstitutions documentaires. Les scènes les plus complexes à tourner ont lieu à l'Assemblée nationale. Le Palais-Bourbon est réquisitionné à cet effet. Dans Paris occupé, les autorités allemandes ont accordé les autorisations et les Ausweise indispensables.
Celles-ci soutiennent le projet depuis l'origine. Et le producteur français, Robert Muzard, gérant de la société Nova Films (qu'il a fondée en 1941) reçoit l'agrément du docteur Dietrich, son ami depuis l'époque où il étudiait en 1932 à l'université de Berlin. Ainsi, dès le 18 septembre 1942, quatre cents figurants sont convoqués à 8 h 30 place du Palais-Bourbon. Trois cent cinquante hommes pour incarner les députés, cinquante femmes pour jouer la foule puisque les séances sont publiques. Les figurants touchent la somme de 150 francs par jour, presque autant que les députés qui touchaient 212 francs avant la guerre.
Parmi les figurants, Cinémondial (2 octobre 1942) relève un élève de * Sciences-Po (* NB : il s'agit sans doute de " l'Ecole des sciences politiques " créée en 1872. Plus tard, en 1945, elle fut nationalisée, communément appelée " Sciences Po ", son vrai nom est l'I.E.P...), licencié en droit, un médecin qui prépare une thèse sur la psychologie des acteurs, un industriel " ruiné par les juifs ", un représentant de commerce, un musicien joueur de basson, un agent de publicité touristique, etc.
D'après le script, la séance s'annonce houleuse. Cris, injures, sifflets, chahut ponctuent les débats. Le réalisateur Paul Riche (pseudonyme de Jean Marny) rend l'atmosphère irrespirable. La III° République et ses élus sont caricaturés et leur irresponsabilité est mise en exergue.
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L'initiation révélée au public
Cependant, l'essentiel du film consiste en la révélation d'une initiation maçonnique au Grand Orient. Là, nul besoin d'autorisation, le Service des sociétés secrètes ayant investi les locaux de la rue Cadet. Quand aux secrets de la cérémonie, Jean Marquès-Rivière les connaît en personne, puisqu'il a été initié à la Grande Loge de France dans les années trente. A peine introduit, il se transforme en un des écrivains antimaçonniques les plus prolifiques de l'avant-guerre. Il se sent désormais investi d'une mission salvatrice.
Tout ceci en fait un des personnages les mieux placés de la collaboration pour dévoiler les secrets des loges. Pour la première fois, le profane pénètre avec les yeux de la caméra dans la plus importante obédience de France, le Grand Orient et découvre l'intérieur des temples. Les tenues solennelles maçonniques avec leur rituel figé, imposant, éveillent aussitôt la curiosité. C'est d'ailleurs l'aspect grandiloquent avec le côté macabre qui frappe le spectateur.
L'éclairage expressionniste accentue la puissance angoissante et mystérieuse de la " conjuration du silence ". Forces occultes remporte à Paris un succès immédiat au cinéma des Champs-Elysées. La semaine d'inauguration, le record des recettes est battu avec 217 245 francs. La seconde semaine, les chiffres sont encore supérieurs : 299 167 francs. Le film est projeté dans le reste de la France.
Cependant le succès se révèle inégal et les projections rencontrent des obstacles variés. La longueur du métrage d'abord s'annonce discutable : 1 200 mètres pour une durée de 43 minutes. Ni court ni long métrage, le documentaire est diffusé à des fins commerciales avec, en première partie, le sketch de Fernandel, Restez dîner. Jean Marquès-Rivière s'en plaint dans une interview à Révolution nationale du 10 avril 1943 : " Personne plus que moi ne déplore qu'on n'ait pas développé ce sujet de l'influence de la franc-maçonnerie jusqu'à en faire un 2 500 mètres. Le succès que remporte ce film prouve que nous n'avons pas tort de croire à l'intérêt du public "
(A suivre...)